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Notion d’employeur en droit pénal social

Commentaire de Cass., 29 novembre 2023, P.23.0952.F

Mis en ligne le mardi 26 mars 2024


Cass., 29 novembre 2023, P.23.0952.F

En droit pénal social, l’employeur est celui qui exerce son autorité sur le travailleur. Sa responsabilité peut dès lors être mise en cause, soit en tant qu’employeur de fait soit en tant que préposé ou mandataire d’une société pour laquelle il interviendrait.

Les faits

La Cour de cassation résume les faits comme suit.

Un employeur a été condamné par jugement du 19 septembre 2019 pour plusieurs infractions, notamment l’absence de déclaration immédiate à l’emploi de travailleurs salariés, le non-paiement de rémunération de ces derniers et l’absence de déclaration justificative à l’ONSS du montant des cotisations.

Le tribunal l’a condamné à un emprisonnement de 30 mois et à une amende de 60.000€. Il a également prononcé, suite au réquisitoire écrit du ministère public, sa condamnation à la confiscation par équivalent du montant correspondant aux avantages patrimoniaux tirés des infractions en cause, étant un montant de l’ordre de 3.575.000€.

La décision de culpabilité a été confirmée par arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 8 juin 2021. La peine d’emprisonnement a été ramenée à 10 mois et assortie d’un sursis simple pendant 3 ans, celui-ci valant également pour l’amende.

La Cour de cassation a cassé cette décision par arrêt du 9 février 2022 sur la condamnation à des peines et au paiement de la contribution au Fonds spécial pour l’aide aux victimes d’actes intentionnels de violence.

La cause a ainsi été renvoyée, limitée, à la Cour d’appel de Mons.

Celle-ci a statué par arrêt du 2 juin 2023, confirmant les peines d’emprisonnement et d’amende ainsi que la mesure de sursis ordonnée par la Cour d’appel de Bruxelles.

Pour ce qui est de la confiscation, l’arrêt a ventilé celle-ci en montant obligatoire et facultatif, une somme de l’ordre de 1.415.000 € étant par ailleurs attribuée à l’ONSS et le demandeur étant condamné à une restitution de 760.000€.


La décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation répond successivement aux trois moyens du pourvoi. Nous ne reprenons ici que le premier moyen en sa première branche.

Celle-ci reproche à l’arrêt de fond de ne pas avoir justifié légalement sa décision de le condamner à la restitution d’office, à défaut de constater que le demandeur a la qualité de débiteur des cotisations impayées, c’est-à-dire d’employeur au sens de l’article 23, § 1er, de la loi du 27 juin 1969.

La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 16, 3°, du Code pénal social, les personnes qui exercent l’autorité sur les travailleurs ont la qualité d’employeur.

En l’espèce, l’intéressé a été condamné de manière définitive par la Cour d’appel de Bruxelles vu la non-déclaration à l’ONSS de plusieurs salariés. La Cour a constaté qu’il a agi sciemment et volontairement et qu’en conséquence les préventions lui sont imputables. Il a ainsi été reconnu qu’il s’était rendu coupable de faux en écritures et d’usage de faux eu égard à l’existence de différentes sociétés derrière lesquelles il se retranchait.

La Cour souligne une violation flagrante de dispositions légales sanctionnées pénalement afin de couvrir le travail au noir dans un système organisé et retient que la décision de la cour d’appel est, en ce qui concerne la culpabilité du demandeur, passée en force de chose jugée.

Celui-ci a agi non en qualité de préposé ou de mandataire des activités commerciales exercées (restaurant) mais en qualité d’employeur de fait du personnel.

En raison du caractère limité de sa saisine, la Cour d’appel n’avait pas à motiver plus amplement sa décision sur cette question.

Intérêt de la décision

La Cour de cassation, qui rejette le pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles, reprend une question importante, étant la qualité d’employeur en droit pénal social.

Elle rappelle l’article 23, § 1er, de la loi du 27 juin 1969, en vertu duquel la cotisation de sécurité sociale est retenue à chaque paye par l’employeur.

En l’occurrence, l’intéressé a été condamné de manière définitive du chef de non-déclaration de plusieurs travailleurs salariés. La cour reprend également l’article 16, 3°, du Code pénal social, en vertu duquel ont la qualité d’employeur les personnes qui exercent l’autorité sur les travailleurs.

Elle a noté que le demandeur n’avait pas agi pour le compte des différentes sociétés qu’il avait constituées et derrière lesquelles il se retranchait. La condamnation intervient dès lors vu son comportement infractionnel personnel et non au motif qu’il aurait eu la qualité de préposé ou de mandataire. La Cour confirme sa qualité d’employeur de fait.

Le Code pénal social permet par ailleurs l’incrimination des gérants et responsables de sociétés en leur qualité de préposés ou mandataires.

L’on peut très utilement sur les conditions de la condamnation du préposé/mandataire en cas d’infraction au droit pénal social, renvoyer à un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 19 février 2020 (C. trav. Bruxelles, 19 février 2020, R.G. 2017/AB/598), qui a repris l’évolution de la réglementation.

Le Code de droit pénal social vise essentiellement le non-paiement à l’O.N.S.S. par l’employeur, le préposé ou le mandataire des cotisations de sécurité sociale, le non-paiement de la rémunération ou son non-paiement à la date de son exigibilité, le non-respect des dispositions d’une convention collective rendue obligatoire, le non-paiement des pécules de vacances, ainsi que l’absence d’établissement ou de délivrance (avec les mentions requises) des documents prescrits par l’arrêté royal chômage ainsi que des fiches de paie. Les autres chefs de demande relatifs à la rupture ne sont pas sanctionnés pénalement.


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